Découvrir la méthanisation et son impact sur la concurrence à la surface
Pierre Aurousseau, professeur à Agrocampus-Ouest et président du Conseil Scientifique de l'Environnement de Bretagne
1 - La méthanisation est un processus de transformation anaérobie de la matière organique et plus exactement du carbone de la matière organique en méthane, un gaz de composition chimique CH4 : Ecouter la conférence en ligne
Tous les substrats organiques n'ont pas le même pouvoir méthanogène. Certains sont faiblement méthanogènes comme les lisiers ou les algues vertes. De plus, certains constituants des matières organiques ont un effet dépressif sur l'activité des bactéries méthanisantes, c'est le cas du soufre et de l'azote qui sont respectivement transformés en H2S et en NH3 pendant le processus de méthanisation et dont l'effet combiné peut réduire l'activité des bactéries méthanogènes jusqu'à un facteur de 50. Compte tenu du faible pouvoir méthanogène des lisiers et de leur teneur en azote, un méthaniseur ne peut pas fonctionner correctement seulement avec du lisier. Il faut l'alimenter avec des substrats qui ont un pouvoir méthanogène plus élevé comme l'ensilage d'herbe ou de maïs. Si l'on traite des lisiers par méthanisation et compte tenu de l'apport d'azote supplémentaire qui rentre dans les méthaniseurs avec les substrats de méthanisation plus ou moins riches en carbone, il sort toujours plus d'azote du méthaniseur que ce que l'on aurait à traiter par épandage. Avec des apports importants d'ensilage dans le méthaniseur, la quantité d'azote sortant du méthaniseur peut être nettement supérieure à ce qu'il aurait fallu épandre sous forme de lisiers.
2 - Le développement de la méthanisation génère une concurrence à la surface agricole qui se traduit par des augmentations parfois spectaculaires du prix des fourrages et des terres agricoles : Ecouter la conférence en ligne
Il résulte aussi du développement de cette filière un changement indirect d'utilisation des terres (ILUC pour Indirect Land Use Change). Les terres qui servaient à produire des aliments pour le bétail produisent désormais des substrats pour les méthaniseurs. Si les cheptels n'évoluent pas à la baisse, cela conduit les éleveurs à importer davantage d'aliments pour leur bétail : céréales et protéagineux, ce qui conduit à une dégradation du bilan azoté des exploitations agricoles, des bassins versants et des régions concernés. Le calcul de la dégradation du bilan azoté a été réalisé dans diverses hypothèses avancées dans le cadre du plan algue-vertes ou du projet agricole et agro-alimentaire régional. L'hypothèse du PAAR (projet agricole et agro-alimentaire régional) de consacrer 5% de la SAU à des activités bio-énergétiques se traduirait à cheptel contstant par une dégradation du bilan azoté régional d'environ 15 000 tonnes d'azote, une évolution en contradiction avec les programmes de reconquête de la qualité des eaux en nitrate, de la lutte contre l'eutrophisation et du plan algues vertes. On montre aussi comment le développement de la méthanisation aurait comme conséquence l'accélération du cycle du carbone. On attire aussi l'attention sur les limites des techniques de traitement secondaire de l'azote des digestats par strepping par l'acide sulfurique ou par l'acide phosphorique.