2.4 - Impacts et gestion pour la profession conchylicole : une application au cas du Dinophysis sur le littoral de Bretagne Sud et Pays de Loire (V. Le Bihan)
Véronique LE BIHAN (Université de Nantes, IEMN-IAE) - Impacts et gestion pour la profession conchylicole : une application au cas du Dinophysis sur le littoral de Bretagne Sud et Pays de Loire.
L’évaluation des pertes économiques liées à la présence de Dinophysis entre la rivière d’Etel et l’estuaire de la Loire est l’un des objectifs du projet DINOPHAG. La méthodologie mise en place comprend deux volets : le recensement des épisodes à Dinophysis de 2000 à 2011 et la réalisation d’une enquête auprès des conchyliculteurs. La confrontation de l’ensemble des résultats permet d’évaluer en particulier leur perception de ce risque et de ses conséquences en termes de performances économiques des entreprises, et les éventuelles stratégies d’adaptation qui en découlent.
Au terme de cette étude, les principales conclusions sont les suivantes :
- Au cours des 12 dernières années, on observe tous les ans des épisodes de toxicité liée à la présence de Dinophysis, à l’exception de l’année 2003.
- La toxicité démarre en général entre le 1er mai et le 15 juin de chaque année. Les durées moyennes de toxicité vont de 3-4 semaines (Pen-Bé, Le Croisic) à 6-7 semaines (Baie de Vilaine, Pont-Mahé). L’essentiel des fermetures administratives se situe donc en été pendant la saison commerciale mytilicole et touristique. Il n’y a pas de changement significatif dans l’occurrence des épisodes de toxicité au cours des 12 dernières années.
- Les conchyliculteurs identifient en majorité Dinophysis comme un des risques prioritaires pour l’entreprise. Dans l’ensemble, ils ont un souvenir exact des épisodes de toxicité ; toutefois, ils citent davantage les épisodes récents et de longue durée (supérieure à 4 semaines).
- Au cours de la période d’étude, le chiffre d’affaires des entreprises est stable ou en progression. L’activité conchylicole ne semble pas être affectée par la toxicité liée au Dinophysis, d’autant que les professionnels ont mis en place des mesures d’auto-protection afin de minimiser les conséquences des fermetures administratives des zones conchylicoles. Elles se déclinent principalement autour de la réorganisation de la main d’œuvre et de l’achat de coquillages. De plus, 40% d’entre eux bénéficient de revenus complémentaires à la conchyliculture, ce qui leur permet de ne pas être exclusivement dépendants des revenus conchylicoles et de traverser plus facilement les épisodes de toxicité et plus généralement les aléas.
- L’enquête confirme que les épisodes toxiques à Dinophysis n’engendrent pas de véritables pertes commerciales, mais plutôt des reports de vente qui sont gérés par les professionnels et qui, de ce fait, ne fragilisent pas les entreprises.
- Ces différents éléments expliquent le fait qu’ils ne ressentent pas le besoin de disposer d’instruments de couverture spécifique pour le risque Dinophysis.
- Dans les secteurs où les occurrences de toxicité sont rares (estuaire de la Loire), les professionnels manifestent davantage d’inquiétude face à un problème qui peut arriver de façon impromptue sans qu’ils aient prévu de mesures de gestion.
- 75% des professionnels estiment qu’il est impossible d’anticiper le risque Dinophysis. Ils considèrent d’autre part que la détoxication des coquillages n’est pas une solution pour faire face à ce risque.
- Par rapport aux dispositifs existants, ils ne manifestent pas d’attente en termes de communication sur les résultats. Bien qu’ils sachent où l’information est disponible, ils s’informent relativement peu, le plus souvent par manque de temps. Ils considèrent par ailleurs qu’en cas d’épisode toxique, l’information circule rapidement.
- La moitié d’entre eux souhaitent que le délai entre les prélèvements de coquillages et les résultats pouvant conduire à une réouverture soit raccourci. Signalons à ce sujet que ce délai, pour l’instant incompressible, est lié à l’organisation de la surveillance au niveau national ; d’autres tests, plus rapides, existent sur le marché mais ils n’ont pas démontré leur fiabilité jusqu’à présent.
L’efficacité du réseau REPHY permet d’estimer l’évolution des occurrences de toxicité au fil du temps et, le cas échéant d’adapter rapidement la surveillance à une augmentation des épisodes toxiques. Compte tenu de la stabilité, entre 2000 et 2011, des épisodes toxiques d’une part et du chiffre d’affaires des entreprises d’autre part, le montant des dépenses engagées pour garantir la qualité sanitaire des coquillages (coût de la surveillance) semble aujourd’hui satisfaisant vis-à-vis du risque Dinophysis. L’apport de la modélisation dans les réseaux de surveillance pourrait néanmoins apporter des améliorations en termes de prévision des épisodes toxiques.
On pourrait envisager un retour d’expérience de la part des professionnels qui ont appris à gérer le risque Dinophysis vers ceux qui n’y sont pas confrontés souvent et qui, n’ayant pas mis de mesures de gestion en place, expriment davantage d’inquiétude au cas où les phénomènes de toxicité viendraient à se multiplier.